Le Commencement

Le Commencement

Quand il a eu lieu, comment il a eu lieu, grâce à qui, à quoi, on ne peut trop y répondre pour l’instant, faute de preuves. On sait de quelle façon s’est formée notre galaxie, notre planète, la Lune, ou du moins on fait des suppositions, plus ou moins vérifiées. Seulement, la science est apparue « tardivement » si l’on peut dire, en comparaison avec la théologie. En effet, les croyances ont toujours été le centre de la vie des plus anciennes civilisations. Encore aujourd’hui, on remarque que des nations sont plus croyantes que d’autres, ce qui est sans doute lié à leur passé. Mais revenons à l’Antiquité, tout particulièrement en Egypte. Comment est apparue la vie ? Réponse à laquelle une réponse scientifique est disponible, mais dans le domaine mythologique… Les explications sont nombreuses, suivant la région, les prêtres ou encore l’époque, ce qui peut paraître paradoxal pour un événement unique et commun.


Tout aurait commencé avec le Noun, l’Océan Primordial, le néant, le chaos. Il peut être considéré comme étant l’opposé du monde créé. D’après les « Textes des Sarcophages », le Noun aurait en lui une force spéciale qui se matérialiserait en un être inerte et inconscient, appelé « démiurge », démiurge qui est son propre créateur (« Il est venu à l’existence de lui-même »), qualifié d’Atoum par les Egyptiens d’Héliopolis (« la ville (polis) du Soleil (hélios) »). A Héliopolis, il serait apparu sous forme pyramidale ; il put ensuite commencer la création : « Alors mon esprit se montra efficace, le projet de la création se dessina devant moi et, étant seul, je fis ce que je voulais faire ». Bien sûr, tout cela vient des théologiens d’Héliopolis, à l’origine de la Grande Ennéade d’Héliopolis, composée donc du Noun, d’où émergea le dieu solaire et créateur dont on vient de parler, Atoum, dont le nom complet est Rê-Atoum-Khépri (reprenant les différents nom du soleil : Rê, lorsqu’il est au zénith, Atoum lorsqu’il se couche et Khépri au lever du soleil). De ce dernier dieu naquirent deux autres divinités : « Je m’unis [Atoum] à mon propre corps, de manière à ce qu’ils sortent de moi-même, après que j’eus produit l’excitation avec ma main, et que mon désir se fut réalisé par ma main et que la semence fut tombée de ma bouche ». Ses enfants sont Tefnout et Shou, la première symbolisant la chaleur et le second la lumière.

Même étant frère et sœur, ils devinrent mari et femme (ce qui est normal au sein des divinités), considérés comme étant complémentaires et inséparables, étant donné que Tefnout représente l’ordre cosmique et son mari, Shou, la vie. Ils permettent également à leur père de se révéler : « Celle qui vit, Tefnout, est ma fille qui existera avec son frère Shou… Je vis avec mes deux enfants. Je vis avec mes deux oisillons, alors que je suis avec eux, en leur sein, l’un étant derrière moi, l’autre devant moi ». Rê dépendait d’eux, ses enfants dépendaient de lui. On retrouva sur de nombreux papyrus ou fresques tombales deux lions dos à dos portant l’astre solaire, figure qui symboliserait justement cette relation entre le démiurge et ses enfants.
Nous avons dit que Tefnout et Shou étaient mari et femme. Ils eurent à leur tour deux enfants, Geb, symbolisant la terre, et Nout, la voûte céleste. Ils entretinrent une relation secrète, qui déplut fortement à Rê-Atoum-Khépri, soit leur grand-père, qui ordonna à son fils Shou de séparer les deux amants. Cette scène est notamment illustrée sur le papyrus de Neskapashouty, exposé au Louvres. Elle représente le dieu Shou s’imposant entre ses deux enfants, envoyant Nout au ciel et laissant à Geb la terre, et occupant l’espace aérien dans une barque entre les deux amants. Suite à cette séparation, Nout fut représentée avec un corps élancé, ses pieds et ses mains liées à Geb, et soutenant le ciel étoilé. Elle est par ailleurs un symbole de protection, c’est pourquoi on la retrouve sur de nombreux sarcophages, plafonds et parois de tombes ou de temples… Pour en revenir à ce couple séparé par Atoum, naquirent cependant de leur union cinq enfants, peut-être les plus célèbres, ou du moins ceux dont on entend le plus parler (à cause de la célèbre légende d’Osiris), Osiris, Isis, Horus l’Ancien, Seth et Nephtys.

Encore une fois, même étant tous frères et sœurs, Osiris et Isis s’unirent et Seth et Nephtys firent de même. Sans entrer dans les détails, nous ne pouvons omettre de décrire en quelques mots les fonctions de ces dieux de la Grande Ennéade. Osiris est considéré comme le dieu des morts et de l’au-delà, il est souvent représenté entouré d’un linceul, se référant à sa légende, où Isis aurait pleuré toutes les larmes de son corps et de son âme pour ressusciter son époux défunt, tué par son frère Seth, et donc les morceaux furent dispersés à travers l’Egypte toute entière. Le principal culte du Dieu Osiris se situe à Abydos, en Moyenne-Egypte.
Isis, sœur et femme d’Osiris, occupe différentes fonctions dans n’importe quel domaine, aussi bien dans l’ici-bas que dans l’au-delà. Rendue célèbre grâce à la légende, elle assura par la suite un rôle de protection, et fut très souvent (voire quasiment tout le temps) représentée sur les sarcophages, les ailes déployées. Un siège surmontant sa coiffe permet entre autre de la différencier des autres déesses, notamment Hathor. Isis est vénérée à Philae, magnifique temple sauvé des eaux, suite à la construction du barrage d’Assouan. La restitution a d’ailleurs été remarquable et, malgré les martèlements des Chrétiens, de nombreuses scènes sont toujours très bien conservées.
Ensuite, Seth, dieu du mal, du tonnerre et du chaos, est représenté sous la forme d’un animal mythique, ou d’un homme à tête de ce même animal. Il règne sur le désert, et tous les éléments hostiles lui sont associés. Il est haï à cause de sa trahison envers son frère Osiris, et se battit contre son neveu Horus pour le trône. Sous l’invasion Hyksos, il fut élevé au premier rang du panthéon égyptien, dans la capital d’Apophis, à Avaris. Ramsès II, en hommage à son père Séthi I, vénérera également le dieu du chaos et du mal.
Mariée à son frère Seth, Nephtys est aussi protectrice des défunts, comme sa sœur Isis. Comme pour Shou et Tefnout, Isis et Nephtys sont indissociables, l’une représentant la naissance et la vie, et l’autre l’ombre et la mort. Elle reste cependant souvent présente auprès de sa sœur lors de scènes funéraires. Nephtys aurait aussi été l’amante d’Osiris et la nourrice de son neveu Horus.
Enfin, pour clore ce chapitre sur la Grande Ennéade d’Héliopolis, il reste justement Horus, fils d’Isis et d’Osiris, protecteur du roi, ce dernier étant l’incarnateur du dieu Horus sur terre. A sa naissance, il proclama : « je suis Horus, le grand faucon… Ma place est loin de celle de Seth, l’ennemi de mon père Osiris. J’ai atteint les routes de l’éternité et de la lumière. Je m’envole grâce à mon essor. Aucun dieu ne peut réaliser ce que j’ai réalisé. Je vais partir en guerre contre l’ennemi de mon père Osiris, je le placerai sous mes sandales en mon nom de Furieux… Car je suis Horus, dont la place est loin des dieux et des hommes. Je suis Horus, le fils d’Isis ». Plus tard, bien qu’ayant perdu son œil dans la bataille, qui deviendra le célèbre symbole de protection contre les forces du mal et les influences néfates, Horus sortira vainqueur de cette guerre contre Seth et pourra régner sur l’Egypte, banissant le dieu du mal de la Terre Noire.


Voilà le Commencement, la Création de la vie si l’on peut dire, d’après les théologiens d’Héliopolis. Cette Grande Ennéade, composée de neuf dieux, n’est pas la seule à soit-disant être à l’origine du monde. A Memphis ou encore en Haute-Egypte, du côté d’Assouan, on trouvera d’autres récits. Ptah, le dieu des sculpteurs, bijoutiers ou autres artisans serait le fondateur d’après les Memphites, alors qu’au Sud, Khnoum aurait façonné l’homme avec son tour à potier. L’histoire de l’Egypte étant très ancienne et s’étalant sur une grande période, il est normal que nous ne trouvions pas la même version en tout point du pays, mais peut-être reste-t-il, quelque part, un papyrus encore inconnu, qui pourrait révéler de grands secrets sur l’Egypte antique…


=> Source : La Mythologie Egyptienne, collection "Succès du Livre"